Jeudi 4 novembre aura lieu la nouvelle Lune à 10:13 au 12e degré du Scorpion. Vous l’aurez donc compris, ce sera une nouvelle Lune en Scorpion.
Cette nouvelle Lune parle de tension et de combat avec une opposition directe à Uranus que nous allons discuter ici sous les auspices de deux oeuvres: La porte (1987) de Magda Szabó et American Psycho (2000) de Mary Harron. Quant à la loi économique qui conclura cette lettre, c’est celle de Jean-Baptiste Say « Toute offre génère sa propre demande. » Une loi qui peut nous paraître contre-intuitive, mais dont vous verrez qu’appliquée à nos vie, elle ouvre une fenêtre vers la seule recherche qui nous importe : celle de notre vérité1.
L’eau du Scorpion est fuligineuse. Prononcez ce mot à haute voix. N’est-il pas délicieux ? A lui seul, il nous montre déjà ce paradoxe du Scorpion, celui de l’eau et du feu : ce fu- qui crépite comme une allumette que l’on gratte suivi de la syllabe -li- qui glisse sous la langue comme l’eau du Cancer, celle de la rivière qui alimente le Scorpion. Enfin ce “-gineux” qui ramène la langue près du palais comme pour sceller l’accord des deux éléments. Le bouillonnement du Scorpion est un bouillonnement guerrier à l’instar du Bélier. Combatif, il nous demande : Sommes-nous prêt.es à nous battre ? Si oui, quelle est notre stratégie ? Entre défense et attaque, voici les énergies complémentaires de cette phase lunaire.
Mary Harron réalise en 2000 American Psycho, adapté du roman de Brett Easton Ellis. Bateman interprété par Christian Bale est un symbole. Il est l’incarnation du masque, celui du capitalisme, du matérialisme et de la masculinité toxique. Une certaine idée de l’Amérique. American psycho est un film terriblement actuel, malgré son côté historique2. Il est la fixation du Taureau, entouré de la matière qui l’étouffe peu à peu. Il est le mal qui attaque car incapable de surpasser sa douleur.
Dans La Porte , Magda Szabo nous trace le récit d’un autre personnage étrange et solitaire, mais dont l’humanité est plus grande que nature, Emerence, sa femme de ménage. C’est la vérité intense d’Emerence, son combat permanent qui en font une entité mythique, une figure inversée de Bateman. Le yuppie et la prolétaire. L’américain fixé à jamais dans les années 80 et la hongroise qui a traversé le XXe siècle. Emerence aussi porte un masque et recèle un mystère, celui de sa porte dont personne ne passe le pas, au sens propre puisque son logis de concierge est fermé à tous et à toutes. Elle incarne cette énergie, celle de l’axe Taureau-Scorpion de préserver, protéger et ce, à n’importe quel prix.
Emerence ne croyait pas au paradis, elle croyait à l’instant. Quand je lui avais fait ouvrir sa porte, le monde s’était écroulé sur elle et l’avait ensevelie.
A leur manière, Emerence et Bateman incarnent l’opposition Lune-Uranus en Scorpion et Taureau. Il est question d’une fenêtre temporelle, d’un interstice pendant lequel des changements profonds et imprévisibles peuvent apparaître. L’énergie uranienne est une énergie de bouleversement et de renversement. On détruit, on réoriente. Elle peut faire peur car elle apporte avec elle ce que l’on n’attend pas, et ce pour quoi on ne se pense pas préparé.e.
Néanmoins, c’est aussi une énergie de libération, de pousser oui, mais pour trouver une forme de justesse et de justice. La folie de Bateman s’explique en partie par son incapacité à sortir de son milieu, à repousser les limites de son territoire.
A la sortie d’American psycho, des critiques ont écrit que c’était « une adaptation d’un roman écrit par un misogyne réalisée par une féministe ». Peut-être cela explique-t-il l’excellence du film et la manière dont Bateman est filmé, à la fois ridicule, pathétique et effrayant tout à la fois.3
C’est aussi un film truffé de scènes cultes dont celle des cartes de visite. Des banquiers d’investissements s’échangent leur cartes à coup de qui a la plus belle.
La scène est rythmée par un son étrange, une sorte de « woosh woosh » qui m’a longtemps évoqué une pulsation sourde, ce battement aux tempes qui nous vient en même temps que la colère monte, inexorable jusqu’à l’explosion. En réalité, l’effet sonore est le bruit que fait une épée retirée de son fourreau4, un son qui a été ralenti pour les besoins de la scène. La violence de la possession est partout et nulle part.
Uranus est l’autre combattant de cette nouvelle Lune. La planète représente, entre autres symboliques, l’intuition, une forme d’intelligence qui est cachée par nos fonctions cognitives; cette énergie de « je le sens ». Les deux prochaines semaines nous invitent à prendre des décisions courageuses et ardues, ces décisions que l’on prend comme sous le coup d’une impulsion inexplicable mais dont l’expérience nous prouve qu’elles n’étaient en rien inexplicables. Elles venaient de notre intuition, cette forme d’intelligence qui agrège lentement les données de notre vie et se faufile dans notre subconscient pour mieux nous dire “Et si tu auditionnais pour un poste en Bretagne ?” alors que vous pensiez être bien campée à Paris.
Emerence est l’incarnation de cette intuition. Son intelligence est celle de la connexion à soi sans les embarras des mécanismes cognitifs, ceux qui nous font dire « ce n’est pas raisonnable.» Emerence le montre dans sa compréhension, ici très Scorpion, de la libération que représente la mort.
Il faut savoir tuer qui on aime, dit la vieille femme, c’est plus humain que laisser souffrir.
Là où la violence que Bateman manie propose une mort stérile qui n’exprime sa propre rage, celle d’Emerence est une acceptation, celle d’une certaine impuissance qui permet ainsi de mieux se concentrer sur nos forces vives. La mort, pour Emerence, est une manière d’avancer, un passage et non pas une fin.
L’opposition entre Uranus et la Lune parle de compromis à trouver pour gérer la tension entre conserver les choses en l’état et vouloir prendre le risque de se jeter dans l’inconnu. Uranus est souvent le vainqueur de ces combats titanesques. La position de cette nouvelle Lune dans votre thème natal, c’est à dire dans quelle maison se trouve le 12e degré du Scorpion chez vous, est le lieu où vous avez le plus de chance de faire l’expérience de réorientations soudaines et de décisions intenses. Si vous avez un doute suivez le tutoriel à la une d’un compte de littérature et d’astrologie fort fiable instagram.com/astrolettres
Enfin, l’axe Scorpion/ Taureau parle principalement de nos ressources : intérieures, émotionnelles et financières. Il nous demande de nous débarrasser de celles dont le rendement n’est plus suffisant comme une terre que l’on a épuisée et que l’on doit laisser en jachère pour aller en chercher une autre plutôt que de s’y acharner pesticides à l’appui. Cela implique d’explorer de nouveaux territoires et peut-être de découvrir des ressources dont nous n’avions pas même idée.
Patrick Bateman, comme Emerence, est coincé sur son territoire, arc-bouté sur celui-ci. Le Manhattan des années 80, celui de ses costumes interchangeables, de ses lunettes Oliver’s people et de ses cartes de visite l’ancre et le vampirise. Dans ce monde peuplé de vice-présidents indolents -personne n’est jamais montré en train de travailler- les personnages le confondent régulièrement avec ses pairs. Il est Marcus ou Davis. Bateman est fou d’invisibilité. Il représente la folie meurtrière d’un pays vidé de sa substance. Un pays qui ne se reconnaît que dans le faire, le paraître et qui a perdu son contact avec l’être. Un pays qui n’exprime que la négativité du Taureau et rien de sa gloire hédoniste.
Jean-Baptiste Say, économiste français né au 18e siècle, a énoncé cette loi “Toute offre génère sa propre demande”. Offrez au monde votre vérité plutôt que de lui donner ce que vous pensez qu’il vous est demandé : être en couple, avoir un enfant, ne pas en avoir, posséder la plus belle carte de visite, manger dans les meilleures restaurant, avoir et non être, être ci ou ça et surtout ne pas être soi, jamais, qui a envie de voir ça ? Personne ne vous donnera le luxe de proposer qui vous êtes. Mais ce que Jean-Baptiste Say entend par cette loi, c’est bien que si l’on créée une nouvelle offre, celle-ci, en changeant l’ordre du monde générera de nouvelles demandes par ricochet.
Uranus nous offre un défi, celui de nous confronter à la vérité, pas pour tout détruire à la manière d’un serial killer des années 80, mais plutôt de conserver ce qui fait notre vérité et, grâce à des ajustements, la renforcer en nous prouvant ainsi que celle-ci résiste aux bouleversements et dangers de la vie à l’image d’une concierge hongroise qui offre au monde ce qu’elle est, sans compromissions ni effets de style.
La vérité reste. Le mensonge disparaît.
Mais seulement si nous prenons le risque de la révéler.
Parlé comme un ascendant Sagittaire !
1987 pour le film- oui… c’est historique. Ne pleurez pas old millenial, je suis l’une des vôtres.
Il y a bien des scènes cultes dans le film qui est une métaphore de la masculinité toxique américaine pendant les années Reagan. Les références à Donald Trump ne nous trompent pas puisqu’à deux reprises, Bateman ou l’un de ses clones croit voir la voiture de Donald Trump, puis Ivana. Intéressant que ce personnage qui dit dès le début du film à quel point il est exsangue connaissant seulement les émotions « greed and disgust » semble exprimer une seule autre émotion, l’excitation quand est mentionné Donald Trump, son alter ego rêvé.
Un fourreau qui en latin se dit “vagina”. Mary Harron a beaucoup de talent pour manier les symboles à tous les niveaux du film.