J’essaie quelque chose de nouveau ce mois-ci sur Word Economy : un thème mensuel déployé dans une lettre hedomadaire plus courte. Merci d’être là et de me lire.
Ce mois-ci, je veux vous parler de contenu. Comme vous peut-être, j’ai diminué mon visionnage de séries ou mon écoute de podcasts pendant une partie de mes vacances. (Ciao Netflix!) Cette distance estivale m’a permis de réaliser tout ce que je consommais dû à une pression interne-externe pas toujours facile à identifier. Externes car quelles que soient mes différentes casquettes, je “consomme” du contenu : pour préparer des cours, alimenter ma recherche et écrire. Le contenu m’est outil de travail autant que de loisir. Interne car j’ai toujours envie de découvrir. Mais ce contenu, parfois, m’envahit ce qui se traduit par le bien connu “J’ai rien à voir/lire/écouter!” alors qu’en réalité, nous n’avons jamais eu autant de choix. En cette rentrée, on nous matraque : le dernier livre à lire, le nouveau compte à suivre etc… etc… alors avant de me laisser tenter, j’ai décidé de faire mes comptes. J’ai donc créé un tableau excel qui est un exercice de mise à nu digne du podcast Thune.
Voici le tableau avec le détail du streaming cette semaine. Vous aurez le détail des autres onglets dans les semaines qui suivent :
Mon budget à ce jour est donc de 1099,81 euros par an, soit une moyenne de 91,65 euros par mois, l’équivalent de deux bouteilles de 50 cl de coca (le jour où je rédige ces mots). C’est l’équivalent de 6% du salaire minimum ou 4% d’un enseignant agrégé échelon 4 avant impôt. Cela peut paraître beaucoup, même si vous en comprenez mieux les raisons. De mon côté, si cela pèse sur le budget, je trouve que c’est trop peu. Mais attachons-nous au streaming.
Le streaming représente un peu plus de 30% de ce budget. C’est un type de contenu que l’on est obligé de payer si on veut y avoir accès (légalement). Mais que paie-t-on ? Que ce soit Netflix ou Spotify, on parle ici de plateformes qui ont des moyens énormes - Le revenu de Netflix sur les douze mois écoulés est de 32 milliards. Je paie Netflix pour que celui-ci commande des oeuvres originales ou paient la location d’autres oeuvres. Mais qui reçoit l’argent ? Enfin, combien d’argent reçoive les créateurices ? Réellement ? Je ne parle pas du deal Netflix de Shonda Rhimes qui doit déjà être millionnaire, mais de sa “writer’s room” - qui est en grève depuis le 13 juin-, mais aussi des acteur*ices. En réalité, ce que je paie, ce sont des studios, distributeurs et, indirectement, leurs actionnaires : Netflix comme Disney ou Prime video qui exploitent les travailleurs. Tout comme Spotify pour la musique, Deezer ou Apple Music, ces distributeurs devenus producteurs ont créé un nouveau monopole en consolidant leurs acquisitions. Je pense à Disney qui est propriétaire de Star Wars, Marvel et Pixar notamment, à la manière d’un L’Oréal propriétaire d’Yves Saint Laurent make up, Lancôme et Urban Decay. On parlait de “loréalisation” des marques acquises dans cette entreprise, il en va de même pour ces plateformes. En acquérant tout le contenu existant, elles le lissent. Il y a une patte Netflix, tout comme une patte Disney visible de Marvel à Pixar. Les mêmes blagues, la même neutralité facilement digestible, du contenu qui ne bouscule pas.
Mais dire que Netflix et Disney sont des grandes machines capitalistes, hormis enfoncer des portes ouvertes, c’est aussi l’excuse que certain.es trouvent pour ne pas payer le service qu’elles offrent. De mon côté, je ne télécharge pas illégalement, la flemme est une motivation aussi grande qu’une pseudo-morale dans ce cas. Non, je ne télécharge pas, car je me dis tout de même qu’une partie, même infime, revient à ces créateur*ices. C’est peut-être naïf, mais c’est un début.
Enfin, la question cruciale est celle du temps passé sur ces plateformes. Si j’utilise Spotify tous les jours - mais peu pour ces podcasts exclusifs en réalité, surtout pour sa musique -, je peux ne pas utiliser Disney ou Prime pendant deux semaines ou plus. Alors pourquoi garder ces abonnements ? Un peu pour les mêmes raisons qui font qu’on binge une série - la fonction autoplay ou ici autoréabonnement mensuel-. De la même manière que vous devez désactiver vous-même la fonction autoplay de vos plateformes pour que les épisodes ne s’enchaînent pas, c’est à nous de faire un effort supplémentaire pour nous rappeler de supprimer un abonnement.
Sous le confort du streaming, la chaîne qui tire à la cheville. Ce que je vois ici de ma consommation, c’est une forme de passivité qui m’interroge et m’inquiète.
Et vous ? Quelle plateforme de streaming utilisez-vous ?
Je rejoins Judith, sujet hyper intéressant. Je n’ai plus que Spotify et netflix (en mode compte familial donc divisé) les livres restent ma dépense #1, je devrai faire le calcul d’ailleurs, et je commence à retourner au cinéma très doucement, pour revivre cette décision de voir une chose, sans être interrompue. Et de manière générale je privilégie à nouveau les expériences directes (spectacles vivants, concerts). J’évite de payer pour de la production en masse et régulière de contenu parce que ça m’oppresse cet arrivage non choisi d’informations
Merci pour cette newsletter ! J'aime beaucoup cet exercice qui me fait instantanément réfléchir .... et aussitôt une question me brûle les lèvres : "Et les bouquins?" C'est un de mes postes de dépense les plus important en combinant médiathèque, achat d'occasion et achat neuf et je ne le vois pas apparaître dans tes onglets ? Cela m'intrigue...