Ceci n'est (toujours) pas un book club
Où je vous dis (encore) toute la vérité sur ce que j'ai lu
Avant de lire ce book club d’avril-mai qui n’en est pas un, je vais vous demander une chose : s’il vous plaît, conseillez-moi le livre qui vous a fait sourire, qui vous a réconcilié pendant quelques minutes avec le monde, voire, miracle qui vous a fait rire ! Comme vous allez le voir en lisant cette newsletter : SEND HELP.
Pour lire le précédent book club.
Je vous rappelle les règles de ce non book club :
Je ne liste que les livres que je lis sans visée « utilitariste ». Je n’y mentionne pas les livres que je lis pour mon travail, à moins d’avoir eu une révélation (apocalypse?) en les lisant. La frontière est donc perméable.
Je ne parle pas de livres offerts.
J’exclus les livres commencés, mais pas finis.
Je ne résume pas les livres. Pour les fiches de lectures, vous avez Babelio & co.
Je surligne en gras mes ouvrages préférés.
En avril, fais-toi beaucoup de bile (du rire aux larmes aux cris de rage)
The hatred of poetry, Ben Lerner
J’ai lu ce livre car mon cerveau refuse d’imprimer la poésie (avec trois exceptions dont Baudelaire - trauma/ obsession de première L- et Emily Dickinson, dont je porte deux vers sur moi 12h sur 24). Littéralement, elle m’échappe, me file entre les doigts, se dissout à peine a-t-elle touché mon cerveau. J’éprouve un second-hand embarrassment extrême et incontrôlable quand je vois un·e poéte·sse lire ses propres vers. Ben Lerner est un poète qui comprend tout à fait cela, mais ne m’a pas pour autant apporté de solution pour remédier à cette situation. Je continuerai donc à lire Emily Dickinson et à me réciter Le petit endroit d’Alfred de Musset (la troisième exception), l’air las et les cheveux dans les vents - pardon poète.sses.s pour ce cliché digne d’une affiche électorale.
Carnets d’Oflag, Georges Hyvernaud
Le wagon à vaches, Georges Hyvernaud
Lettres de Poméranie, Georges Hyvernaud
Fini la poésie, bonjour les récits de prison et de PTSD !
Le 29 avril 2024 avait lieu la commémoration de la libération du stalag (camp de travail allemand) où mon grand-père était prisonnier pendant la guerre. Ces cinq années sont un mystère pour moi et, a priori, ses enfants. Comme il n’a jamais parlé de cette expérience, je me suis trouvé un grand-père de substitution en Georges Hyvernaud qui a raconté son expérience dans plusieurs textes de fiction qui m’ont rappelé la plume de Céline, mais sans le virage antisémite. Sa femme a aussi fait publier chez Claire Paulhan (merveilleuse éditrice de textes de l’intime) sa correspondance pendant son emprisonnement. Un bijou.
Je dois cependant avouer que la lecture de ces textes m’a mise en colère, un petit “Rage against the classism”. Pourquoi ? J’avais 13 ans quand mon grand-père est décédé, je remets donc toute la faute de ce mystère sur ses (nombreux) enfants (je plaisante, je vous aime)qui ne lui ont pas posé de questions parce que ça ne se faisait pas et à lui qui n’en a pas parlé parce que - j’imagine- ce n’était pas intéressant. Cette lecture a nourri une colère plus profonde, celle qu’il n’ait pas eu accès à l’éducation -littéralement, il a commence à travailler à 11 ans- pour mettre en mots ce qui lui était arrivé, comme a pu le faire Georges Hyvernaud avec autant de talent.
Après ces lectures et la visite du camp, j’avais besoin de me rincer le cerveau et le coeur, j’ai donc lu :
Mémoires d’une féministe intégrale, Madeleine Pelletier.
La vie de Madeleine Pelletier pourrait être écrite par Zola s’il s’était attaqué au féminisme sur lit de classisme et qu’il avait été capable d’humour. Ça commence mal, ça finit encore plus mal, avec au milieu le frêle espoir de changer le monde vite écrasé par la médiocrité des pseudoféministes, la trahison des partis de gauche et… Madeleine, avais-tu des visions du futur ??? Ces mémoires sont délectables, corrosives et avec malgré tout un espoir du changement qui m’a pris le coeur en étau avant de le réduire en poussière. J’ai beaucoup ri, mais ma foi en l’humanité n’était pas exactement restaurée en fermant le livre.
J’ai donc continué, sans le prévoir, sur une trilogie de l’arnaque, parce que l’arnaque, c’est FUN.
My friend Anna, Rachel Deloache Williams.
Alors oui, ça rentre dans mon travail de recherche, mais ça n’en sera pas l’un des piliers. Suis-je influencée par la façon (très négative) donc Rachel est dépeinte dans la série Inventing Anna ?
Ou peut-être est-ce la communication que je viens de faire et où je parle du personnage de Rachel dans la série comme une représentante du white feminism le plus insidieux, celui qui arnaque sous couvert de sororité ? A lire si vous voulez compatir aux Malheurs de Rachel (mais elle, elle ne se fait pas manger le bout des doigts par un poney, elle a juste un deal de 300 000 dollars avec HBO à la fin).
Burn book, de Kara Swisher.
Kara Swisher est l’une des journalistes de la tech les plus puissantes. Elle a créé sa propre conférence annuelle où tous les pontes de la tech se pressent pour passer sur son grill tels de petits démons qui se régalent des flammes car ils savent qu’elles n’auront aucun effet sur eux. Un régal jusqu’au moment où elle déclare « j’adore le capitalisme » (tellement américaine) et qu’elle a une attaque en Chine. Là, sur son lit de presque mort (spoiler : elle survit), Anna Wojcicki (l’ex de Sergey Brin, le co-fondateur de Google, et la cofondatrice de 23andMe, une société qui teste l’ADN) l’appelle pour lui dire qu’elle a cartographié son génome et grâce à ça elle est sauvée.
Peut-on être l’amie des puissants et les critiquer ? Telle est la question.
Lancée dans les joies de la civilisation américaine (mais est-ce que j’en sors jamais ?), j’ai lu -pour la recherche- :
The Cult of Trump de Steve Hassan
Le livre est édifiant et très accessible. Il donne aussi, malgré lui, une sorte de manuel de contrôle des foules. Si vous voulez être gourou, je recommande. Si vous voulez vous rouler par terre en anticipant les élections de novembre aussi.
En mai, lis ce qu’il te plaît : l’autoroute de l’angoisse.
J’ai voulu me replonger dans la fiction en lisant :
The story of my teeth, Valeria Luiselli.
Comme son nom l’indique, ce n’est pas une histoire de dentiste, mais de… racines avec une pincée de réalisme magique. En me documentant sur Valeria Luiselli, j’ai appris que c’était une fille d’ambassadeur (mexicain), qui avait fait ses études aux Etats-Unis dans des écoles aussi prestigieuses qu’onéreuses. J’ai alors pensé à cette télé-réalité « Made in Mexico » qui avait fait un très mauvais buzz puisque la majorité (ou toutes ?) des participant·e·s était blanche. « Made in colonial Mexico » more like it. Mais sinon j’ai aimé le livre et vais en lire d’autres. La pauvre, ce n’est pas sa faute si elle est née ultra-privilégiée. Flûte !
En parlant de colonisation, j’ai commencé à regarder « The Sympathizer » une série surproduite par Robert Downey Jr et Susan Downey où RDJ joue beaucoup trop de rôles, perruques et maquillage à l’appui. On aurait dit Tropic Thunder.
Cette omniprésence m’a fait arrêter la série, mais m’a donné envie de lire le(s) livre(s) :
The Sympathizer, Viet Thanh Nguyen suivi de :
The Committed, Viet Than Nguyen
Le premier raconte la fin de la guerre du Vietnam du point de vue d’un Vietnamien, jamais nommé, qui est un agent double. En effet, c’est un communiste qui s’est immiscé au sein de la police militaire de l’armée du Sud, soutenue par les Américains. L’oeuvre est un diptyque : The Sympathizer se déroule entre Etats-Unis et Vietnam et The Committed se déroule en France. Si vous lisez The Committed, vous connaîtrez le(s) nom(s) du narrateur-héros. C’était passionnant, avec une écriture qui vous tient, mais pour le Bechdel-Wallace test, on repassera. Les personnages étant très archétypaux - volontairement- les femmes sont portion congrue : la mère, l’amante, le fantasme, l’avocate de gauche qui défend Pol Pot et voilà.
Si vous me suivez sur instagram, vous savez qu’il m’arrive de proposer une analyse rapide de films ou série. Cela va du tentaculaire Sandman (100 stories) au plus léger Irish Wish (I mean…). Après Irish Wish, j’avais laissé entendre que je parlerai de l’adaptation d’un roman explicite dans laquelle Anne Hathaway joue une femme de 40 ans qui tombe amoureuse d’un chanteur de boys band de 24 ans aux tatouages questionnables.
Pleine de motivation, je me suis dit que j’allais aussi lire le roman d’autant plus que l’autrice est africaine-américaine et que j’avais vu passer des commentaires signalant la blanchisation de l’héroïne dans le film. Je me suis donc infligé J’ai donc lu :
The Idea of You, Robinne Lee
Ce roman m’a fait sortir les yeux de la tête à plusieurs reprises. Il présente une héroïne qui est blanche (les critiques n’avaient pas vraiment lu le livre, je ne peux pas les blâmer), française (on insiste dessus pour expliquer son raffinement et sa passion pour Alaïa et les dessous La Perla), ultra privilégiée qui passe son temps dans des foires d’art contemporain. On se croirait dans Gossip Girl dont j’ai aussi lu les romans (American psycho rencontre les pages pub de Vogue = un délice). Mais voilà, dans le roman, le pseudo Harry Styles est un… un ado de 19-20 ans. Et c’est là que ça m’a perdue.
De ce point de vue, le film fait mieux en réduisant l’écart d’âge, mais il fait aussi moins bien en faisant de Solène Marchand(de d’art), une fille perdue cheveux gras qui attend que son baby prince charmant vienne l’enlever et bousiller son empreinte carbone en faisant le tour du monde en jet. Youhou !
Funny story, Emily Henry
Si vous avez lu le précédent bookclub, vous savez que je suis addict à la romcom, sauf que je n’aime plus les romcom. La meilleure partie du roman étant probablement le fait que l’héroïne est une bibliothécaire pour enfants et que le héros n’est ni un milliardaire, ni un membre de boys band, ni un adolescent.
Echouée sur le sable du « j’aimerais lire un roman qui m’aide à m’évader, OH NON UN TSUNAMI DE ROM COM HETERO », ma libraire m’a conseillé :
Death of a Bookseller, d’Alice Slater.
Et j’ai passé un excellent moment ! C’était enlevé, amusant et sous couvert d’un livre à suspense, il y avait même une réflexion sur l’attrait pour le true crime qui héroïse des meurtriers et exhibe la souffrance de leurs victimes, mais aussi des références à d’autres romans dont :
The red parts de Maggie Nelson.
The red parts, c’est tout le contraire du true crime. Si Maggie Nelson y raconte le procès de l’assassin de sa tante, 35 ans après les faits, celui-ci n’occupe qu’une part réduite du texte qui est un récit familial sur l’oubli impossible et le pardon nécessaire (mais pas celui du meurtrier). Un bon seau de larmes plus tard, j’étais prête à me remonter le moral en… lisant des histoires de postpartum et de guerre froide.
MARDE comme disent les québécois (je viens de m’acheter la dernière BD de Mirion Malle)
Nightbitch, Rachel Yoder
Le mois de mai s’est terminé en beauté fictionnelle. Le premier roman de Rachel Yoder est une grosse claque. Pas forcément facile à lire, dégoûtant par moment, comme l’est une lecture dure, mais nécessaire. Un vrai bouquin-purge qui m’a parfois fait détourner les yeux de la page (mais pas d’éphébophilie dans celui-ci contrairement à The idea of Ew (ew se prononce comme you, mais veut dire beurk en français).
Soviet Milk, Nora ikstena
J’ai dîné avec des collègues venus de Lettonie début mai et leur ai demandé une recommandation de lecture. Gunther, Vita, vous ne lisez pas ma newsletter, mais coeur sur vous. Soviet Milk entremêle les récits d’une mère née en 1944 et d’une fille née en 1969 en Lettonie. La première est (péniblement) médecin, comme Madeleine Pelletier, la deuxième va devenir écrivain comme Georges Hyvernaud.
Oh Lesbian Marie-Madeleine (Pelletier) ! ALLELUIA, la vie des lecteurices est une cercle infini !
Si vous êtes arrivé·e·s jusque-là, j’attends vos conseils de lecture qui met du baume au coeur de pied ferme. En attendant je vais voir l’un de mes films doudou.
Bonus - les relus du mois :
J’ai dû relire Patriartech puisqu’il est sorti le 17 mai (youpi) et que je devais en parler lors d’entretiens. Se relire est beaucoup plus agréable que se voir en vidéo ou s’entendre. Je crois que c’est la maturité d’être suffisamment contente de soi pour ne pas perdre de temps à se flageller sur ce qui aurait pu être fait, mais se concentrer sur ce qu’il reste à faire. Et vous savez ce qui vient après la maturité ? La sénilité. Chouette.
En parallèle, j’ai aussi relu :
Thinking fast and slow de Daniel Kahneman
C’était mon hommage à ce grand économiste du comportement qui est décédé en mars. Avec les échanges (ou les non échanges) qui ont lieu sur les réseaux sociaux au sujet d’Israël et Gaza, ce livre me paraît encore plus important à relire (ainsi que celui sur les biais qu’il a coécrit). En tout cas, il m’a incité à essayer de réfléchir plus lentement (et à réfléchir tout court), ce qui m’a rappelé l’expression “Urgency is a tenant of white supremacy” qui est dérivée du document que Tema Okun avait rédigé avec Kenneth Jones en 2001 sur la façon dont la suprématie blanche s’exprimait dans le milieu du travail , assortie de suggestions sur comment faire mieux. Le sentiment d’urgence en fait partie. Pourquoi ? Parce qu’il est plus difficile de penser l’inclusion et de l’intégrer dans son travail quand on va vite, toujours plus vite ( pour lire le document de 2001 et Pour en savoir plus).
Hello Marion,
Si tu as besoin de rire (mais pas que) alors je te recommande le dernier Dolly Alderton "Good Material"😊
Hello Marion, j'ai récemment lu Demain, et demain, et demain de Gabrielle Zevin et j'ai passé un très bon moment.
On suit les deux personnages de leur adolescence où ils se rencontrent puis pendant leur vie pro où ils finissent par bosser ensemble en créant des jeux vidéos.
J'ai aimé découvrir cet univers et suivre une fille dans la tech.
X Violaine