Je n'en peux plus du self-branding
Confession intime : je ne suis pas une marque, je suis un être humain !
Tout travail mérite salaire
Cet été, je me suis décidée à m’appliquer les conseils que je donne aux autres. Par conséquent, si j’arrivais à publier régulièrement, alors, je devais être payée.
Toute ma série sur l’économie du contenu devait mener à ça. Et puis fin septembre, entre l’inscription en doctorat la plus re-loue du monde, un déménagement-emménagement et une rentrée un peu compliquée, je n’ai pas eu le courage de sauter le pas.
Pas le courage ou peut-être ai-je eu peur, tout simplement. Je me suis dit qu’en octobre, en travaillant sur la peur, je pourrais faire une belle transition vers la question de la légitimité dans la créativité et vous annoncer que je souhaitais, certes, publier plus régulièrement, mais aussi le valoriser et, de fait, monétiser une partie de mon contenu.
Le sens des priorités, une excuse supplémentaire ?
Et puis le 7 octobre est arrivé, et je me suis sentie bien petite de penser à ça. J’ai publié quelques newsletters, et j’ai surtout utilisé ma peur pour nourrir mes cours. Avec les étudiant·es, nous avons réfléchi au colonialisme et à l’impérialisme, nous avons traduit des textes sur l’antisémitisme et l’économie, et nous avons (re) découvert le discours Beyond Vietnam de Martin Luther King Jr.. J’ai aussi mené quelques actions à ma mesure comme donner à amnesty international ou partager certains contenus sur instagram.
En parallèle, j’ai lu les newsletters de Louise Morel sur l’anticapitalisme dont celle où elle expliquait pourquoi elle avait monétisé son travail -ce qui paraît presque un pléonasme- et les différents obstacles qu’elle avait surmontés, notamment le fait de devoir se vendre. Nous avons discuté des affres du “self-branding” ou marketing personnel. Au même moment, quelques personnes mal intentionnées sont venues me dire en dm que je me la jouais influenceuse militante. En bref, selon celleux-là j’utilisais des procédés marketing pour me donner l’air de. Ayant largué instagram après avoir arrêté astrolettres (certain·es ici me connaissaient peut-être sous ce patronyme), j’avais perdu l’habitude de ces accusations de performativité, puisque c’était bien cela dont il était question. Performativité, mais aussi une injonction à rester dans sa voie. Paradoxalement, une injonction à resserrer son marketing personnel. Car oui, même les plus grandes horreurs contribuent au marketing de certain·es (parfois malgré elleux, mais toujours) sur les réseaux sociaux. Il n’y a pas d’actes innocents sur instagram. Parler comme ne pas parler ne fait que contribuer à l’édification d’un profil (un terme utilisé pour les criminels). Impossible d’y échapper à moins de quitter lesdits réseaux.
Marketing personnel, je vomis ton nom
Du marketing personnel, comme M. Jourdain, nous en faisons toustes sans le savoir. Vous êtes connues pour votre carré ? Vos lunettes ? Votre entourage canin? Votre passion pour Tom Cruise ? Votre féminisme ? C’est du self branding. C’est quand il s’agit de le conscientiser et donc de le mettre en pratique que les choses se compliquent. Faire du marketing personnel, c’est se considérer, en partie, comme un produit. Et plus un produit a un message simple, concis et clair, mieux il se vend. Bien sûr qu’il y a des exceptions, il y en a toujours.
Le défi, c’est d’offrir une ligne claire tout en se laissant la possibilité d’évoluer. Une ligne claire pour que vous ayez envie de me lire au point de me soutenir, mais aussi envie d’échanger. Et la possibilité de se laisser évoluer pour ne pas me retrouver comme avec mon ancien compte instagram astrolettres où j’avais l’impression de m’être moi-même enfermée dans une voie sans issue, certes pleine de récompenses sociales et parfois financières - j’ai côtoyé les étoiles (= j’ai fait des ateliers d’écritures chez les mots et trois journalistes m’ont interviewée)- mais aussi fortement angoissante pour moi qui ne me voyais pas exactement comme l’une des astrologues nouvelle génération que j’affectionne pourtant beaucoup, comme Math Fachan de zcommezodiaque, Maheva Stephan-Bugni d’astrotruc ou Alice d’AliceSparklyKat.
Arrêter astrolettres a été une décision très facile, mais coûteuse d’un point de vue marketing personnel, mais ce n’était pas la première fois que j’opérais un gros revirement. On reconnaît l’énergie Sagittaire à son YOLO mode de vie (et les millenials à leur utilisation de termes datés).
YOLO, mais combien de fois ?
Emma Gannon vient de publier sur the Hyphen, sa newsletter, un post sur le self branding et sur le fait que se promouvoir n’a pas à être ce truc vaguement dégoûtant que tu fais d’un air gêné et qui ne te procure aucun plaisir1. Elle y cite Martha Graham, l’une de mes chorégraphes préférées.
“There is a vitality, a life force, an energy, a quickening that is translated through you into action, and because there is only one of you in all of time, this expression is unique. And if you block it, it will never exist through any other medium and it will be lost. The world will not have it. It is not your business to determine how good it is nor how valuable nor how it compares with other expressions. It is your business to keep it yours clearly and directly, to keep the channel open.”
Il y a une vitalité, une force de vie, une énergie qui est transmise à travers vous dans l'action, et parce qu'il n'y a qu'un seul vous à tout moment, cette expression est unique. Si vous la bloquez, elle n'existera jamais à travers aucun autre medium que vous et sera donc perdue. Le monde ne la connaîtra pas. Ce n'est pas à vous de déterminer sa qualité ni de la comparer avec d'autres expressions. Votre travail est de garder le canal ouvert.
Garder le canal ouvert, c’est peut-être le principal. Et identifier quel est ce canal. Dans la même newsletter, Emma Gannon propose de lister les cinq éléments qui devraient toujours être perceptibles dans ce que l’on produit. J’ai essayé de faire cette liste sans grimacer.
Je suis une autrice de fiction et bientôt de non fiction (scoop)
Je veux comprendre comment le monde fonctionne pour le changer ce qui implique de changer les angles que j’utilise: économie parfois, mais pas tout le temps.
J’écris Word Economy
Je suis apprentie-chercheuse : en civilisation (économique) américaine, études des médias
Je ne suis pas photographe animalière (malgré de sublimes modèles)
Vous l’aurez compris, l’exercice n’est pas facile. Mais ce qui est certain, c’est qu’écrire cette newsletter avec vous, qui prenez le temps de me lire, de liker, de commenter ou de m’envoyer des emails pour me raconter les dessous des centres nationaux dramatiques de France et de Navarre, reste l’un des moments créatifs les plus satisfaisants
Simplement, je ne peux pas m’engager à être régulière. Quand je rendrai Word Economy payante2, la seule régularité, ce sera sa fréquence. Pour reprendre les mots de Martha Graham si l’énergie que je transmets est unique, je l’espère, ce qui est certain, c’est qu’elle est mouvante, en quête, toujours.
Mais si vous êtes encore ici, c’est peut-être que vous aussi, vous êtes des chercheureuses ? Dans ce cas, l’aventure ne fait que recommencer.3
Oui, j’ai ri en me relisant.
C’est écrit. C’est gravé dans le marbre substackien.
Et si certain·es parmi vous étaient déjà de l’aventure astrolettres, alors, avouez : vous êtes tous Sagittaire, non ? Sagittaire adjacent.
Est-ce que si il n'y avait pas les réseaux sociaux, ce qu'on nomme self branding ici ou ligne éditoriale là, ça serait pas notre fil rouge de vie ? Le sens qu'on choisit de donner à ce qu'on fait ? Les choses qu'on choisit de défendre ? Sachant qu'on peut réactualiser ça autant qu'on veut.
Donner du sens ça me motive en tout cas.
Et un oui à la monétisation du travail 🙌🏻 substack permet bien d'alterner entre contenu libre et payant je trouve en plus.
Merci pour cette NL qui fait réfléchir ! Ce qui m'emmerde dans le self branding c'est surtout qu'il menace d'appauvrir la variété de mes relations. Plus je simplifie et promeut une image de moi-même "consommable" (c'est à dire aisément attrapable, comme un produit sur étagère) plus viennent à moi des personnes qui ont comme point commun d'aimer ce produit. C'est chouette au début et c'est réconfortant mais assez vite ça diminue les échanges potentiels... et ça m'angoisse !
Je sais que dans tous les cas c'est ce vers quoi tendent mes habitudes si je n'y prends pas garde. J'essaie de mettre mon énergie à aller vers les autres - au-delà de leur self branding 😅 - et de ne pas m'enfermer dans le mien. Pas facile.