Cette newsletter est un peu particulière puisque j’y parle de moi. Après une absence quelques mois1 je vous annonce donc que Word Economy n’est pas décédée de sa belle mort et reprendra bientôt.
J’ai été interviewée par Laurence Vély pour le podcast Thune que je vous recommande. Le principe du podcast, pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, c’est de raconter le rapport à l’argent de gens de tous milieux. Une vraie Comédie humaine qui interroge notre rapport à l’intime, au travail, au capitalisme et j’en passe. Thune est une perle et ses journalistes le sont tout autant (car elles sont deux, Laurence Vély et Anna Borrel).
Si vous écoutez le podcast, vous verrez que je suis très “candide”. J’explique mes choix de carrière, je donne des chiffres (salaire, prix d’appart, valeurs d’action) parce que je crois que l’argent doit être démystifié. Ni honte, ni gloire, c’est seulement un outil qui nous permet de vivre, plus ou moins bien. Je n’ai pas de “mérite” à l’avoir gagné, mais je n’ai pas non plus honte de l’avoir fait.
Laurence Vély a très peu altéré mes propos en dehors du montage nécessaire pour ne pas m’entendre m’étrangler avec ma salive (l’une des dures réalités du podcast). Le podcast est sous-titré “Marion et la thune : elle l’a voulue, elle l’a eue.”
J’ai eu la réaction suivante quand je l’ai vu :
Et si on me prenait pour une macroniste ? Diantre, devais-je reconsidérer toute ma vie ? Je vous dis que l’argent n’est qu’un outil et moi-même, je me juge quand je vois ce sous-titre qui résume bien mon rapport à l’argent (un argent obtenu légalement, je le précise). Je voulais gagner de l’argent, je n’attendais pas d’héritage familial, et j’ai donc pris des décisions de carrière pour gagner cet argent. Je ne m’en excuse pas, même si une part de moi-même, très judéo-chrétienne, me susurre “l’argent c’est mal. En vouloir c’est mal. En vouloir en tant que femme, c’est pire. En vouloir sans que ce soit pour le bien-être d’une progéniture imaginaire, c’est l’assurance de se retrouver en enfer !”
Je voudrais revenir sur un propos que je tiens à plusieurs reprises dans le podcast : quand on peut, on veut. Et non pas le contraire “quand on veut, on peut.” J’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’excellents professeur.es qui m’ont marquée.2 C’est le cas de ce professeur de “Strategic Intuition” qui nous expliquait tout le mal que Disney avait fait avec des chansons comme “if you wish upon a star…” et autres variations du quand on veut on peut. Il nous a ensuite invité.es à écrire une liste de ce que nous souhaitions faire dans notre vie et, pour chacun de ces objectifs, d’imaginer les actions qui nous y mèneraient, celles que nous avions la possibilité de faire à l’heure actuelle, et les obstacles qu’on pouvait rencontrer: pécuniers, familiaux, émotionnels…
Ils nous a ensuite invité.es à regarder autour de nous, à trouver des modèles, pour comprendre comment ces modèles avaient réussi et voir si leur “pouvoir” s’appliquait à nous. C’était très pragmatique et incroyablement éclairant, en ce qui me concerne.
Attention, nous n’étions pas dans la recette développement personnel, mais bien dans une réflexion beaucoup plus large autour de nos rêves et de ce qui nous permettrait de les atteindre. Ou pas. Car justement, c’est là où le professeur voulait en venir. En s’interrogeant sur ce que l’on pouvait faire (au lieu de ce que l’on voulait faire), on verrait s’ouvrir des portes auxquelles on n’avait pas pensées et qui pourrait nous amener à vivre des vies tout aussi gratifiantes que celles que l’on imaginait en se fixant des idéaux par définition inatteignables.
A l’écoute du podcast, j’espère que vous comprendrez que ce sont des rencontres et des coïncidences apparentes3 qui m’ont permis d’être là où je suis maintenant. Si je ne suis pas née avec un privilège de classe, je l’ai acquis grâce au travail de mes parents puis le mien. Et tout cela n’aurait pas été possible sans un contexte économique et un système qui favorise les blancs. Bien sûr, nous n’avons pas pu aborder tout cela dans le podcast puisque c’était un entretien centré sur mon rapport intime à l’argent. Mais ce rapport est forcément politique.
Pour celles et ceux qui sont là depuis le début, vous vous rappelez peut-être que ma première newsletter rappelait les bases de l’économie ou la décision de comment et où l’on alloue ses ressources considérant que celles-ci sont limitées. Comme Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme, j’ai opéré selon ce précepte sans m’en rendre compte avant de suivre mes premiers cours d’économie à 27 ans. Et c’est ce précepte que je voudrais vous rappeler à l’aube de cet été 2023 : quelles sont vos ressources ? Temps, argent, force physique, santé mentale ? Et comment les allouez-vous sachant qu’elles sont forcément limitées ?
Ou, pour résumer : que pouvez-vous faire ? Une question beaucoup plus fertile et moins culpabilisante que le sempiternel que voulez-vous faire ?
A très4 bientôt,
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Absence que Substack m’a gentiment rappelée en mode “hey, plus tu écris, plus tes abonnées augmente, ce avec quoi, je ne suis pas d’accord, mais ce sera le sujet d’une prochaine newsletter”.
Ceci dit, je fais partie de ces étudiant.es toujours prêt.es à trouver un sujet intéressant. Un.e professeur.e, aussi excellent.e soit-il.elle, ne peut pas vous obliger à venir goûter à la substantifique moelle de son savoir (oui, je m’adresse ici aux potentiel.les étudiant.es qui liraient cette newsletter).
Le hasard n’est que la rencontre de deux séries causales nous raconte Bergson.
C’est à dire à dans moins de cinq mois.